François Besson
4 mai 1946 – 25 mai 2010
François, tu as écrit : « Pardon pour la peine que je vous fais ». Notre peine est immense, à la hauteur de la personne que tu étais. Tu as notre pardon et tout notre amour car ces mots mêmes révèlent ta générosité, ton sens de l’amitié et ton amour de la famille, celle que tu formais avec Isabelle, Alexandre, tes frères et tes proches et celle, que tu appelais ta famille élargie, celle de tes amis du judo dispersée aux quatre coins du monde.
Même si tu te définissais avec humour et humilité comme un modeste gardien de gymnase, tu étais en fait le gardien de nos valeurs, celles de l’entraide et du respect, des valeurs que tu savais si bien transmettre.
C’est à Tokyo que tu as forgé ton âme ferme, humble et courageuse. Sur les tatami du Kodokan et de l’université de Meiji, tu as gagné un surnom affectueux, kuma chan, à l’image de l’ours valeureux, craint mais apprécié de ses adversaires.
Tu es et tu resteras un des très rares judoka étrangers à avoir forcé le respect des plus grands maîtres japonais, par tes qualités humaines, par ton dévouement incessant.
En charge du judo européen puis mondial, tu as brillamment conduit son développement alliant la modernisation à la préservation des traditions.
Tu as élevé la gestion et l’organisation sportives à un niveau d’excellence, mais tu t’es épuisé à combattre les autoritarismes et les marchands du temple.
Tel un Caton des temps modernes, tu as lutté jusqu’au bout pour faire triompher les valeurs de justice, d’équité et de liberté auxquelles tu croyais tant.
Tes exploits sportifs, tes titres, tes décorations sont autant de marques de reconnaissance de ce parcours, long et difficile, de ces missions harassantes qui durant une quarantaine d’années ont constitué une succession d’épreuves que tu as su franchir sans perdre ni ton sourire ni ton humour.
Car s’il y avait ce François pointilleux à l’extrême, il y avait toujours ce François facétieux qui ne perdait jamais une occasion de plaisanter.
Je te revois encore, il y a peu, au siège de la fédération de judo, l’œil goguenard, brandissant triomphalement une brochure que tu venais d’imprimer pour moi. Grâce à un importateur toulousain, nous allions enfin pouvoir nous procurer un objet bourré d’électronique depuis longtemps convoité… le dernier modèle japonais des abattants de toilettes.
Tel un grand frère, tu aimais autant nous faire rire que nous protéger et nous faire plaisir. Personne n’oubliera tes talents culinaires. Tes terrines de foie gras, tous ces mets raffinés amoureusement préparés resteront dans nos mémoires ainsi que la quantité de vaisselle qu’il fallait ensuite nettoyer.
C’était là une autre facette de ce goût immodéré pour la perfection qui ne te quittait pas, quoique tu fasses.
Grand amateur de culture japonaise, tu connaissais sans doute ce haiku que le poète Kobayashi écrivit au XVIIIe siècle
Ce monde imparfait
Mais pourtant recouvert
De cerisiers en fleurs
Tu étais et tu resteras « un cerisier en fleurs dans un monde imparfait », à la fois fort et fragile, imposant et délicat, respecté et admiré.
Tu étais et tu resteras un modèle pour nous et pour tous ceux qui donnent au quotidien une dimension concrète à l’honneur et à la dignité, à la fidélité et à l’amitié.
Adieu, mon ami. Sayonara, kuma chan…
Michel Brousse, le 2 juin 2010