Les valeurs du judo au XXIe siècle… suite 1

« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles », Sénèque.

La fédération internationale de judo a osé. L’attitude raisonnée mais ferme du président Marius Vizer n’a souffert d’aucune ambiguïté. Le Grand Slam d’Abu Dhabi en novembre 2018 a paru inaugurer une nouvelle ère de concorde. Bien que tempérées par l’absence remarquée de nombreux pays au Grand Prix de Tel Aviv, les décisions prises semblaient de nature à lutter efficacement contre toute forme de ségrégation résultant des intégrismes politiques et religieux qui n’ont pas épargné le judo depuis le début du XXIe siècle. L’édition 2019 du Grand Slam de Paris a cependant rappelé les observateurs à la dure réalité des oppositions systématiques. Le chemin sera long avant que les actes ne rejoignent les promesses dans la lutte contre la discrimination.

Spectateurs, athlètes, mais aussi journalistes et entraîneurs ont affiché leur surprise à la défaite éclair du champion du monde iranien Saeid Mollaei face à Ruslan Mussayev, 209mondial. Vaincu dans un simulacre de combat après seulement 17 secondes d’affrontement, il sort du tapis tête baissée en essuyant ses larmes. Interrogé sur ce qui apparaît aux yeux de beaucoup comme le refus dissimulé d’affronter au tour suivant l’Israélien Sagi Muki, Marius Vizer reconnaît la persistance d’une situation préoccupante.

Le problème n’est pas nouveau. Il est récurrent et a tendance à l’amplification. Á l’heure où la France dénonce la recrudescence des actes antisémites, ces transgressions répétées aux valeurs du sport et du judo en particulier doivent être combattues constamment et à tous les niveaux au risque de banaliser de tels comportements. Les défaites programmées ou les forfaits de dernier instant de compétiteurs contraints -quand ils le sont- de se soumettre aux directives officielles ont dans un premier temps été passés sous silence ou presque tolérés au titre -souvent au prétexte- de rétorsions probables visant les athlètes et leurs familles. Un changement d’échelle est survenu en 2004 lors des Jeux olympiques. Dans un jeu de dupes, le surpoids d’Arash Miresmaeili -72,4 kg au lieu des 66 autorisés- a été au final officiellement attribué à un problème de santé et non à la démarche politique volontaire et largement médiatisée d’un refus d’affronter un adversaire israélien. Passez. Il n’y a rien à voir.

Fêté en héros à son retour au pays , bénéficiaire de la prime attribuée aux champions olympiques -soit 115 000 $- ainsi que d’une subvention spéciale pour « conforter la spiritualité dans le sport », autrement dit un prix de 5 000$ pour effectuer un voyage à la Mecque, il occupe aujourd’hui une position importante au ministère des sports de son gouvernement comme en témoigne l’entretien rapporté dans le magazine l’Esprit du judo.

Les convictions politiques et religieuses de certains combattants sont suffisamment affichées pour ne laisser aucun doute quant à l’adhésion de leurs actes aux consignes qu’on leur impose. En revanche, d’autres subissent une pression telle qu’elle ne peut faire l’objet d’aucune résistance tant les conséquences directes comme indirectes pourraient être dévastatrices pour eux et pour leur entourage. Mais, la question reste entière. Le monde du sport s’efforce de lutter contre le dopage en arguant des principes d’équité.  Dans ce domaine, les récents développements montrent que les institutions et les systèmes concernés, en d’autres termes les donneurs d’ordre, n’échappent pas aux sanctions. Le combat contre l’exclusion et les discriminations exige que nous fassions de même, que nous osions davantage pour défendre les valeurs qui fondent notre discipline.

Michel Brousse

Quelques réactions dans la presse française et internationale

 

 

Vidéo des deux derniers combats de Saeid Mollaei

Contre Mussayev
Le combat pour la médaille de bronze (et sa blessure)

 

Pour plus de détails concernant l’ « affaire Miresmaeili » voir l’article ci-dessous: « Ondes de choc, conflits politico-culturels et développement du judo mondial »

 

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